J’ai envie de vous faire partager une histoire (attention c’est long, et ce n’est q’un résumé pourtant) que j’ai vécue au bureau. Elle se termine en principe, aujourd’hui même. Et elle commence il y a trois ans plus ou moins.
D’abord, je ne donnerai bien entendu aucun nom, ni dans quelle administration ça se passe (juste que c’est une grande administration d’à peu près 500 personnes). Et vous n’aurez que mon point de vue et ma parole, pour ce qu’elle vaut. Vous n’aurez donc pas tous les éléments pour juger de qui a tort ou raison. Il faudra vous fiez à ce que j’écris.
Avant, on va remonter un peu plus loin dans le temps et replacer le contexte. Pour être fonctionnaire, il n’y a pas trente six solutions : il faut passer un concours. En revanche, il existe quelques moyens de contourner ça, notamment pour les personnes handicapées (hors de question de remettre en cause ce mécanisme ici, c’est pas l’objet). En résumé : un dispositif permet à l’administration de recruter des personnes handicapées en CDD. Si au bout de ce CDD d’un an, la personne correspond au profil recherché, elle peut être titularisée et devient fonctionnaire. Il y a donc 4 ans, Mme X est recrutée dans la structure où je travaille. En règle général, l’administration titularise quasiment d’office au bout d’un an ce type de personne. Sauf que cette fois ci, ça se passe plutôt mal. Je n’étais pas dans ce service à l’époque, je ne sais que ce que j’ai entendu dire : Mme X accuse ses collègues de harcèlement moral ou sexuel, accuse l’administration d’aggraver son handicap en l’obligeant à effectuer des tâches physiques lourdes, etc. Je ne sais pas ce qu’il en est réellement à cette époque : vrai ou faux, toujours est il que l’administration prend une décision inhabituelle. Mme X est licenciée.
Mais Mme X n’est pas du genre à se laisser faire et elle porte l’affaire en justice. L’administration est accusée d’avoir commis une faute de procédure dans ce licenciement (j’ai eu l’info de la bouche même de Mme X) et se voit contrainte de réembaucher Mme X pour une année supplémentaire. Le problème, c’est que Mme X doit aussi changer de service : la direction elle-même nous dira « elle est grillée dans tous les services ». Sauf dans le service où je travaille (qui comprend 6 personnes). Et comme il y a justement un poste de libre dans ce service, c’est ici que Mme X est affectée d’office.
Bien entendu, nous sommes tous au courant des bruits de couloir concernant Mme X. Mais après nous être concerté, nous décidons d’un commun accord que nous allons jouer le jeu : Mme X sera accueillie comme une collègue classique, formée et participera à toutes les tâches habituelles du service. Il faut également noté que nous accueillons déjà un collègue handicapé en fauteuil et que ça n’a jamais posé problème à qui que se soit dans le service.
Les premiers mois se passent plutôt bien, malgré quelques événements inattendus : Mme X accusera ainsi un jour des « gens » de lui avoir volé des documents importants ou ses lunettes dans son bureau. Ou bien encore, elle prendra vite l’habitude de ne pas arriver à l’heure le matin. On est un peu surpris, mais rien de bien extraordinaire. Cela dit, ça pose quand même une ambiance un peu malsaine : suspicion, méfiance s’insinue progressivement entre elle et nous. Et petit à petit, elle se fera porter malade de plus en plus, refusera d’effectuer certaines taches qu’elle jugera trop physique, refusera certaines formations, etc.
Et en attendant, l’administration piétine et fait traîner l’affaire : je vous rappelle qu’elle était censée être réembauchée pour au final soit être titularisée, soit licenciée. Sauf qu’elle va rester en CDD renouvelé pendant 4 ans en tout, dont 3 passés dans notre service.
Mme X est donc très tendue, agressive voir insultante. Ca devient difficile de la « gérer ». Et puis elle a décidé unilatéralement qu’elle ne travaillerait plus. Mme X passe donc ses journées les pieds sur le bureau à lire le journal, à passer ses appels personnels. Et on comprend très vite que Mme X ne compte pas se satisfaire d’un CDD : elle passe volontairement ses appels en parlant très fort pour qu’on comprenne bien ce qui se passe. Il est question de harcèlement moral notamment. L’ambiance devient intenable : à mots couverts, on est accusé de la harceler.
A partir de là, elle va décider (ça remonte plus ou moins à un an) de déstabiliser chacun d’entre nous : accusations de vol, sous-entendus malhonnêtes, tout le monde va y passer. Y compris moi.
Mme X s’est absentée pendant deux à trois semaines pour maladie. A son retour, devant quelques collègues présents, elle va m’accuser d’être « odieux » avec elle, de l’agresser verbalement, de l’insulter, etc. Tout ça, paraît il, depuis des mois. En gros, je me vois accusé de harceler un collègue. Le choc. Encore aujourd’hui, je n’ai rien oublié de ce qu’elle a dit ce jour là. Pour la petite histoire, il faut savoir que je travaille depuis dix ans dans ce service et que personne, que se soit ma hiérarchie, mes collègues ou les usagers, ne s’est jamais plaint de mon comportement… Après discussion avec ma responsable, on conclut qu’elle a de graves problèmes psychologiques et que je suis innocent. J’aurais pu porter plainte ou que sais-je mais je me dis que finalement, comme elle est dérangée, autant ne rien faire. Et puis elle décidera finalement de « me pardonner »…
Et de plus en plus, elle va s’absenter, devenir agressive, etc.
Et en attendant, l’administration n’a toujours pas régularisé sa situation. L’affaire commence a prendre de l’ampleur et les syndicats à s’intéresser au sujet. Dans chaque grand ministère, il existe une « inspection générale » qui peut être sollicitée pour étudier des cas internes à l’administration ou externes (inspection dans un établissement suspecté de maltraitance, inspection de bavures policières, etc.). L’inspection générale s’en mêle, donc. Je n’ai jamais eu accès au rapport établi par cette inspection. Il restera confidentiel. En septembre de cette année, une commission daigne enfin se prononcer sur le cas de Mme X, en s’aidant de ce rapport. La commission est composée de représentant de l’administration et du personnels. La décision tombe après 4 ans : Mme X ne peut être titularisé et doit être licenciée. Même une partie des syndicats n’a pas pu faire autrement à la vue du dossier que de ne pas voter sa titularisation. Soulagement pour nous, elle va enfin partir ! Même si ça reste terrible : une personne handicapée de 55 ans se retrouvent sans emploi. Mais dans ces cas là, on pense avant tout à soit : la tolérance a des limites. Mme X est complètement folle, ça ne fait aucun doute pour nous et on ne veut qu’une chose : oublier tout ça.
Mme X est tenace et refuse la décision. Avec le soutien de quelques syndicalistes, Mme X (qui est toujours chez nous puisqu’elle finit quand même son CDD en cour) lance la pétition dont je vous mets une copie ci-dessous. A tous les agents de notre administration (soit 10 000 personnes plus ou moins). Y compris au chef de notre administration, la ministre.
Surprise et stupeur ! La décision prise par la commission (qui est en principe définitive) est contredite en haut lieu : la rumeur dit que la ministre elle-même a pris peur que l’affaire ne s’ébruite. Imaginez la presse qui titre « une personne handicapée licenciée par l’administration ». Désastreux pour l’image. La ministre a donc décidé d’elle-même de contredire cette commission. Et de valider la pétition. C’est décidé : nous sommes donc des monstres sans cœur qui pratiquons le harcèlement moral et sexuel.
Mme X quitte notre service ce soir : elle change d’administration (la fameuse « mutation » qu’on utilise quand il y a un problème) et est titularisée.
La fameuse pétition :
PETITION
Si ce message concerne les hommes et les femmes de cœur, si l'injustice avérée et flagrante vous fait justement réagir, si le fait de savoir que le 30 septembre, une personne handicapée se retrouvera sans ressources ou tout comme, si vous n'acceptez pas que les femmes soient perpétuellement malmenées, insultées, harcelées , agressées dans le monde du travail et dans la Fonction Publique en général , alors, s'il vous plaît, faites entendre votre voix et adressez par mail en cliquant sur TRANSFERER le présent message à Madame la Ministre XXXXX .
Il faut agir VITE , TRES VITE , SE MOBILISER . Peu importe notre étiquette syndicale, ce ne sont pas des syndicalistes, ni même des fonctionnaires qui impulsent cette démarche, ce sont des femmes et des hommes, des êtres humains, qui , mis au courant des moindres détails de cette affaire n'acceptent pas de demeurer indifférents. Ce qui arrive à cette personne nous concerne TOUS et TOUTES qui avons des enfants, des frères, des sœurs, des conjoints. Si le handicap demeure une chose terrible à vivre, alors, nous devons tout faire pour adoucir ses souffrances et ne pas accepter que la personne soit encore accablée davantage par l'injustice, l'incompréhension et la méchanceté humaine. Ce simple clic ne vous coûtera rien, mais au moins aurez-vous contribué à aider une personne en état de souffrance et pour laquelle on peut parler d'une voix pleine, claire et forte parce que juste.
Merci aujourd'hui pour elle, merci demain pour nos enfants.
OUI
JE SOUTIENS LA DEMARCHE DES AGENTS DU SYNDICAT XXXXX A XXXX ET DE XXXXXX EN FAVEUR DE MADAME XXX , TRAVAILLEUSE EN SITUATION DE HANDICAP, LICENCIEE DE XXXXX.
JE M'ELEVE CONTRE CETTE DECISION HONTEUSE ET JE DEMANDE LA REINTEGRATION ET LA TITULARISATION DE CETTE PERSONNE DANS LES PLUS BREFS DELAIS.
JE FAIS CONFIANCE EN LA VOLONTE BIEN CONNUE ET EN LA DETERMINATION MAINTES FOIS EXPRIMEE DE MADAME LA MINISTRE DE LUTTER CONTRE LA DISCRIMINATION ET L'INJUSTICE A L'ENCONTRE DES PERSONNES LES PLUS FRAGILES , LES FEMMES ET LES TRAVAILLEURS HANDICAPES , POUR QUE CETTE SITUATION HAUTEMENT SCANDALEUSE CESSE AU PLUS VITE.
"Que toutes nos pensées soient telles, que si on te demandait à tout instant ce que tu penses, tu puisses toujours l'avouer sans honte" (Marc-Aurèle)
La xxx des C du 9 septembre avait pour but l'examen d'une demande de titularisation d'un agent , travailleur en situation de handicap, renouvelé à quatre reprises par l'Administration qui envisageait cette fois-ci un licenciement sec.
Licenciement , alors que cet agent :
A souffert d'un harcèlement moral continu pendant 4 ans.
A dénoncé un phénomène de harcèlement sexuel sur sa personne par un supérieur hiérarchique.
A dormi dans son véhicule maintes et maintes fois en raison de l'éloignement de son domicile.
A été astreint malgré son handicap à un portage répété de lourds dossiers , et ce, tant et si bien que son handicap est passé de 10 à 50 et peut-être 80%.
A dénoncé ces faits dans une plainte au pénal.
A souffert du manque de formation et du laxisme de sa hiérarchie.
A été victime dès son arrivée dans les services d'un mail honteux qui déplorait son arrivée en qualité de travailleur handicapé .
Alors que la XXXX refuse péremptoirement de communiquer les pièces du rapport de XXXX qui peuvent démontrer la véracité du harcèlement.
Aujourd'hui cette femme, âgée de 55 ans se retrouve au RMI et n'a guère d'autre perspective que de travailler en ESAT.
Et si le couperet du licenciement sec s'est enfoncé dans la nuque de cette femme, c'est parce qu'aujourd'hui, en XXX , si l'Administration a évidemment voté contre sa titularisation ou son renouvellement de contrat, CINQ (5) représentants (!!!) du personnel sur ONZE (11) par un vote à bulletin secret (les vilenies en tapinois, ni vu ni connu, c'est moins courageux, mais c'est plus sûr) SE SONT ABSTENUS , déclenchant ainsi la chute de la lame homicide, d'autant plus affûtée que cette fois ci , en l'absence de parité, il sera difficile de recourir efficacement à l'arbitrage du ministre.
Qu'on ait des dissenssions syndicales, des poussées d’adrénaline, c'est la règle quotidienne du bon fonctionnement de la démocratie. Mais devant l'injustice, devant le harcèlement, devant la discrimination, encore faut-il savoir se serrer les coudes .
Aujourd'hui, nous avons vécu une véritable exécution. Que va devenir cet agent, quelle sera l'issue de sa souffrance?
Hier l'Administration faisait porter les CARTONS à Madame X , travailleur handicapé.
Aujourd'hui, l'Administration , avec l'appui subreptice de représentants dévoyés, fait un CARTON sur Madame X , travailleur handicapé.
Demain, grâce à l'Administration, Madame X , travailleur handicapé, dormira dans les CARTONS.
C'est donc celà , l'humanisme made in Affaires Sociales? Nous n'osons y croire tant nous avons foi dans le sigle de notre Ministère, dans ses missions, dans ses valeurs.
De tels comportements nous font hurler , nous sommes des femmes et des hommes libres, inféodés à aucune idéologie , ni marxiste, ni intégriste, ni réactionnaire, ni libérale : nous sommes des fonctionnaires d'Etat républicains, gens de conviction qui refusons l'ignominie, nous DENONCONS, nous DENONCERONS.
D'ores et déjà nous MEDIATISONS une affaire qui ne va pas arranger la crédibilité syndicale suffisamment entachée au sein de notre ministère par les carabistouilles des promotions au choix..
Cette personne se défiait des syndicats, car trop souvent ceux-ci pour des raisons de copinage avaient pris le parti de ses harceleurs, elle se défiait de la méchanceté de ses collègues qui l'avaient mises à l'index , parce que différente.
Avait-elle vraiment tort? . Et dans une nouvelle affaire qui gênait l'Administration, celle-ci, une nouvelle fois a trouvé des alliés. Quel avenir brillant leur sera proposé pour services rendus?